Heinrich était posé dans un coin du Bloody Sunday, à cette table qu’il n’y avait que lui qui utilisait. D’ici, il voyait l’entièreté de son bar... et c’était parfois nécessaire. Peut-être que c’était néanmoins plus par envie de contrôle que par nécessité la majorité du temps, mais il l’assumait encore bien. Dans ce genre d’endroit, les choses pouvaient vite être complètement chaotique et il refusait à quiconque de n’en faire qu’à sa tête entre ses murs. Que ce soit un jeune humain un peu trop imprudent ou un vampire centenaire, Heinrich ne voyait pas la différence lorsqu’il était temps de faire un peu de discipline. Ça ne lui faisait pas peur de tenir tête à des sommités du monde vampirique, malgré ses maigres 133 ans. Il ne se considérait absolument pas comme un enfant... et quiconque voudrait lui faire croire qu’il en était un allait le regretter amèrement.

Néanmoins, il y a bien une femme sur laquelle il n’aurait cru tomber à nouveau. Et lorsque son regard se pose sur cette belle nymphe à la crinière de feu, la main qui tient un verre empli d’un liquide carmin se crispe tant et si bien qu’il s’en fissure, puis se brise carrément. Quelques regards se tournent vers lui, mais s’en désintéressent rapidement. Du sang coule paresseusement sur sa main, le long de son poignet, mais pas le siens. Celui contenu dans le défunt verre. Lorsqu’il s’en rend compte, il laisse rapidement tomber les vestiges du contenant sur la table et attrape des serviettes de table pour empêcher le sang de maculer sa chemise blanche. Entre temps, son attention quitte donc la belle vampiresse... mais celle-ci semble plutôt l’avoir remarqué parce que lorsqu’il relève la tête, c’est pour la voir là, juste à côté de lui, un air profondément amusé peint sur son beau visage maquillé.

« Valdìs Brodogi... », murmure lentement Heinrich, son regard maintenant soigneusement posé sur la vampire. Il n’allait pas feindre ignorer qui elle était, même si ça faisait extrêmement longtemps qu’ils s’étaient vus, non. Elle l’aurait probablement percé à jour. Leur dernière rencontre avait laissé un souvenir impérissable, mais aussi incroyablement négatif... Cette femme était trop perspicace pour son propre bien. « Que me vaut l’honneur de t’accueillir dans mon modeste bar ? »

Rien dans ce bar n’était modeste. Ce n’était qu’une façon de parler et c’était l’évidence même. Heinrich a un signe de la main pour un jeune serveur. Ils étaient tous humains, ses serveurs. Et interdiction d’y poser le moindre croc, surtout... Le jeune homme vient nettoyer la table sans mot dire. Il l’aimait bien, celui-là. Se relevant, Heinrich tire doucement sur sa veste pour la replacer. Son impeccable costume sur mesure avait faillit finir baigné de sang à cause de cette mégère...

« Peut-être que je peux te proposer un verre dans mon bureau. », fait soudainement Heinrich, de façon probablement inattendue. Vous savez ce proverbe qui dit de garder ses ennemis encore plus près de soi que ses amis ? C’était un peu de ça... mêlé au fait qu’ici, les murs avaient des oreilles et qu’il préférait donc s’isoler avec la plantureuse rousse, sachant de quoi elle était capable et sur quels plans elle aimait jouer. « C’est par ici. »

Galant, même si présentement de façon on ne peut plus forcée, Heinrich lui indique une direction. Celle d’un petit escalier discret qui menait au deuxième étage, étage où peu de gens étaient invités, soit dit en passant. Le troisième était encore plus intime, néanmoins, puisque c’était là où Heinrich vivait. Et il n’était pas question que Valdìs y mette les pieds...