[poisoned soul]

Ash and dust

I'm waking up to ash and dust I wipe my brow and I sweat my rust. I'm breathing in the chemicals. I'm waking up, I feel it in my bones enough to make my system blow. Welcome to the new age.

Tic-tac. Tic-tac. Le regard de Barbara est inlassablement posé sur l’horloge murale, et elle gratte le sol sur lequel elle est assise de ses ongles. Tic-tac. Les secondes s’écoulent dans une lenteur surréelle, elle ne cesse de s’agiter. L’enfant n’est pas très loin, elle le sait. Elle devra faire vite, si elle veut lui échapper. Tic-tac. Non sans surprise, elle constate qu’elle a laissé des marques de griffures sur le parquet. Normalement, elle se serait brisé les ongles bien avant, mais désormais chacune des parties de son corps est plus puissante. Elle ne semble pas comprendre à quel point, d’ailleurs. Elle ne veut pas comprendre. L’idée même de chercher à embraser sa nouvelle nature l’horripile, elle secoue vaguement la tête en signe de négation, comme dégoûtée par la simple idée. Tic-tac. Enfin, l’heure qu’elle attend avec tellement d’impatience est arrivée. Elle sait, pour avoir étudié les prévisions météorologiques, que le soleil se lève à l’instant même. C’est le moment idéal pour afin accomplir ce qui s’impose avec omniprésence dans son esprit depuis le début de sa seconde vie. Elle se lève, silencieuse, comme une ombre. Et en une fraction de seconde, elle est devant la porte de cet appartement qu’elle partage avec l’enfant. Elle devra faire vite, la porte grince et Ksenia a de meilleurs réflexes qu’elle. Elle n’aura qu’une seconde pour franchir la distance entre leur porte et celle donnant accès à tous les logements du bâtiment. Elle retient son souffle, ouvre enfin la porte qui produit un bruit digne d’un film d’horreur. Et elle court, sa main atteint la poignée de porte qui l’offrira enfin aux rayons du soleil, à la mort certaine…

[poisoned soul]

Barbara & Ksenia

Ash and dust
I've crossed a line
But the sad fact is I've lost my mind.

 La création est belle. Grande. Mais faible. Et une infime partie de Ksenia est déçue, un peu, de voir qu’elle n’embrasse pas la nature profonde avec autant de facilité qu’elle, des dizaines d’années plus tôt. Cependant, si Barbara avait accepté les ténèbres sans poser de question, l’entreprise aurait probablement grandement perdu en intérêt. Voir l’ancienne épouse du Serban dépérir apporte un certain réconfort à la princesse capricieuse qui se délecte du pouvoir et dévore avidement le chaos semé. Elle n’est pas prête, encore, à lâcher la bride. Trop tôt, trop récent, le lien qui les unit. Tant de choses à explorer, à créer et dont elle n’a aucune idée. Milos l’a laissée sans méthode ni exemple auquel se raccrocher. Elle pense tous les liens basés sur le même modèle, elle jalouse ceux qui ont mieux et ne sait comment opérer pour le modeler à sa guise. Et pourtant, c’est tout ce qu’elle veut. Tirer les ficelles du pantin nouvellement créé. Croire qu’elle se pliera à toutes les impulsions qu’elle donnera.
Assise à même le sol, l’enfant a les yeux clos et l’esprit en ébullition. Elle hésite encore à aller voir l’infante pour poursuivre son œuvre. Sa fierté l’empêche de demander conseil et toute façon, elle doute que Niall ou Mircea lui soient d’un quelconque secours. Bientôt, le soleil trônera sur Budapest et Ksenia regrettera probablement de ne pas avoir agi de la nuit. Alors elle se lève, leste et silencieuse pour se diriger doucement vers sa création, lui parler, un peu, faire passer la longue journée qui s’annonce, abreuver l’ancienne humaine de sang et de paroles toutes faites.
Un mouvement attire son œil et en une microseconde l’enfant terrible bifurque en direction de la porte d’entrée, suivant la silhouette floue qu’elle soupçonne capable de s’offrir au soleil. non. NON. Pas si tôt, pas maintenant. Elle refuse, elle a d’autres plans, tellement d’autres projets pour la jeune femme qu’il n’est pas question de la laisser faire.
Sa main rejoint celle de Barbara et l’autre attrape sa nuque pour la rejeter violemment en arrière avec un feulement empli de colère.
Le regard enflammé, l’enfant fixe la silhouette de la Serban, cherchant à épingler ses pupilles. Elle s’approche lentement,  les sourcils froncés sur ses yeux clairs et les traits crispés.
▬ Il est un peu tard pour envisager une balade au clair de lune, tu ne crois pas ? La question s’échappe, innocente. Elle ne sait pas imposer le respect autrement qu’en menaçant ouvertement. Elle voudrait exploiter le lien unique,  indéfinissable mais en est tout bonnement incapable. Alors elle fait quelques pas de plus, mesurant sa vitesse, la main tendue pour que Barbara s’en saisisse, fasse quelque chose. Une réponse. Une danse de la victoire. N’importe quoi.

[poisoned soul]

Ash and dust

I'm waking up to ash and dust I wipe my brow and I sweat my rust. I'm breathing in the chemicals. I'm waking up, I feel it in my bones enough to make my system blow. Welcome to the new age.

Violemment repoussée contre le mur, Barbara fait écho au feulement de Ksenia. Les deux s’affrontent, deux tigresses prêtes à se défier, à se déchirer. Elle se crispe alors que l’enfant s’approche d’elle, ne souhaitant qu’une seule chose : lui sauter à la gorge afin de lui faire du mal. Mais elle reste assise, incapable d’un seul mouvement, parce qu’avant la haine passe l’amour inconditionnel qu’elle éprouve malgré elle pour le monstre. Elle soupire, et son feulement se tait, remplacé par le grincement de sa mâchoire. « Laisse-moi tranquille. » D’un geste, elle se lève, repousse la main tendue vers elle avec dégoût. Puis, elle retourne docilement vers cet appartement qui la rend folle. Enfermée entre ces murs depuis trop longtemps, elle perd peu à peu la raison, d’où sa tentative.

Elle s’assoit à même le sol, ou plutôt, elle s’y laisse choir. Elle est à plat ventre, son visage fixant obstinément le vide, ses mains grattant le sol. Si elle continue, elle laissera des marques partout. À dire vrai, elle s’en fiche complètement, si elle peut massacrer le logement de Ksenia, tant mieux. Comme elle ne peut l’atteindre directement, aussi bien s’en prendre à ses avoirs. L’enfant revient, et Barbara détourne le regard, refusant de supporter son regard. « Pourquoi?! », s’exclame-t-elle soudainement, d’une voix forte. « Pourquoi moi? » Dans une rapidité surréelle, elle se redresse, s’approche de l’enfant pour la saisir par le bras avec brusquerie. Elle serre fort, trop fort. « Je n’ai jamais voulu de ça! Pourquoi Ksenia? »

[poisoned soul]

Barbara & Ksenia

Ash and dust
I've crossed a line
But the sad fact is I've lost my mind.

Le cœur éteint qui se serre alors qu’elle voit la création refuser la main tendue, l’aide incertaine dans la poigne de l’enfant. Ksenia claque de la langue avec violence, une moue agacée se peint sur ses traits déjà crispés. Ses yeux incendient la femme qui s’éloigne, la paume de sa main encore ouverte pour offrir du réconfort. L’infante aimerait la tranquillité mais l’Ukrainienne n’est pas prête à lui offrir. Elle ne le sera probablement jamais. Au fond, elle est bien trop fière d’avoir enfin réussi à accomplir la transformation pour s’arrêter en si bon chemin. Peut-être même trainera-t-elle Barbara jusqu’à Milos pour qu’enfin il la reconnaisse comme la reine.
L’enfant exhale un soupir fatigué et referme les doigts avant d’enfoncer les poings dans ses poches. Il faut bien qu’elle aille s’occuper de sa création, même si l’attitude d’adolescente en crise la désarçonne plus qu’autre chose. En changeant l’ancienne épouse du chasseur, elle s’attendait à plus de maturité et peut-être plus de malléabilité. Elle est déçue de son jouet, un peu, Ksenia. Mais elle n’y peut rien à part tenter de le modeler.
Alors elle pousse la porte de la chambre, presque timidement, comme une gosse qui aurait fait un cauchemar et viendrait quérir sa mère, cherchant à capter le regard de l’infante.
Soudain l’éclat de voix dans la poitrine de celle qui était amorphe quelques secondes plus tôt. La vitesse et la force. L’interrogation qui revient toujours. Pourquoi.
Elle serre le bras de la gamine dont les yeux se sont teintés de sauvagerie, d’un plaisir certain à voir la colère animer sa poupée.
▬ Et pourquoi pas ? Elle siffle dans le fond de sa gorge et son regard épingle fermement celui de sa création. Elle lui hurle de poursuivre, de continuer à déverser sa colère jusqu’à perdre le contrôle. Appel du monstre tapis dans les entrailles. Je t’ai choisie justement parce que tu n’as jamais voulu. C’est beaucoup plus drôle. Qu’est-ce qui fait que ta vie d’avant soit si regrettable ? La divorcée pitoyable livrée aux bêtes de la nuit. Elle crache, elle ment. Un sourire fend le visage de l’enfant.

[poisoned soul]

Ash and dust

I'm waking up to ash and dust I wipe my brow and I sweat my rust. I'm breathing in the chemicals. I'm waking up, I feel it in my bones enough to make my system blow. Welcome to the new age.

Rien de ce que raconte l’enfant ne fait du sens à ses yeux. Elle n’arrive simplement pas à voir ce qu’il peut y avoir d’amusant dans la situation. Ksenia a gâché sa vie, et elle y prend apparemment plaisir. Sa haine à son égard ne fait que s’accroître alors qu’elle se sent prise d’une envie meurtrière, pour la toute première fois de sa vie. Elle voudrait voir Ksenia souffrir mille morts, elle voudrait pouvoir lui infliger tout le mal qu’elle-même lui a fait subir. Mais en même temps, elle voudrait la protéger d’elle-même, soumise à cet amour inconditionnel caractéristique de leur lien si spécial. Il est étrange d’éprouver tant d’attachement et d’animosité à l’égard d’une même personne, Barbara est complètement déboussolée. « Qu’est-ce que cette vie a de meilleur?! Ne vivre que la nuit, tuer pour survivre? Tu penses que c’est une vie souhaitable? » Sa voix se teinte d’accents hystériques alors qu’elle se sent près d’une crise de panique. Comment raisonner une enfant gâtée qui obtient tout ce qu’elle désire depuis elle ne sait combien d’années? Barbara ne sait rien de Ksenia, elle ignore depuis combien de temps l’enfant est une vampire. Et elle ne veut même pas le savoir. Feindre un détachement complet envers sa créatrice est, selon elle, un moyen sûr pour ne pas s’y attacher davantage. « Je vais mourir. Tu vas voir. Un jour, tu ne seras pas assez rapide pour m’en empêcher. À moins que je ne meure de faim, avant. » C’est ça. Elle refusera de se nourrir, et le temps fera son œuvre. Elle ne pourra survivre éternellement sans boire de sang, non? « Tu auras tout fait cela pour rien. »