[poisoned soul]

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ft. elvira&andrija

Il n'a aucune idée de l'heure qu'il est. Il a décidé de sortir, se rendant compte qu'il lui était impossible de s'endormir maintenant. Il erre pendant quelques dizaines de minutes dans ce quartier, toujours aussi fascinant, glauque et légèrement effrayant. Il ne lui est jamais rien arrivé jusqu'à présent, il ne s'est jamais fait agresser, ce qui est plutôt compréhensible vu sa carrure. Il a le regard dans le vide, ses pas sont lents, affables, et il ne sait pas du tout où il va. Son cerveau, lui, a sa petite idée : bien vite, il retrouve les alentours du romkocsma. Il y va bien trop souvent, il le sait. Heureusement, l'alcool prend rarement le contrôle sur son corps, il possède une résistance à toute épreuve. Il ne se retrouve jamais à vomir dans une ruelle sombre, à ne plus se souvenir de la nuit précédente. Il est dans la modération, toujours dans la maîtrise de lui même.

Il est devenu habitué de l'endroit. Les bartenders le connaissent tous, et il connaît la vie de la plupart. Il ne dit pas grand chose sur lui, après tout, il n'a rien d'intéressant à partager. Un pauvre gars qui s'est fait larguer par sa femme il y a un an de cela et qui vit maintenant dans un pays qui lui est totalement étranger. Il se plonge dans son travail et dans l'alcool, trouvant quand même du temps pour ses nouveaux amis. Il n'a pas de difficultés à s'en faire, son caractère, son sourire, font qu'il attire la sympathie. Il pousse la porte d'entrée et vient s'asseoir au bar, un sourire venant prendre place sur son visage. La jolie blonde est là. La jolie blonde a un nom, oui, mais il préfère le surnom qu'il lui avait donné la première fois qu'ils s'étaient parlés.

Il ne dit rien pendant un long moment, attendant qu'elle se rende compte de sa présence. Et pendant ce temps, il l'observe, attentivement. Elle a presque un côté irréel, comme sorti tout droit d'un conte. Il est assez fasciné. Cette ville est tellement différente de Zagreb où il a passé la majorité de sa vie. Les gens semblent habités d'une .. lueur dangereuse et incroyablement étrange. Il se demande parfois s'il est entouré de véritables humains, avant de rire de sa propre stupidité. On ne lui a jamais donné à croire que le surnaturel existait, et de toute façon, il est bien trop pragmatique. Ce ne sont que des pensées en l'air qui ne donnent aucune suite.

Il croise enfin son regard, lui donne le plus beau sourire qu'il peut faire. « Je t'ai manqué ? » dit-il du bout des lèvres.

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Alors même qu’Andrija fait son entrée au Romkocsma, Elvira s’occupe à servir plusieurs tables à la fois. Adepte du travail vite fait, bien fait, il n’est pas rare qu’elle s’occupe simultanément de plusieurs commandes, chargée de son lourd plateau. Par ailleurs, elle est toujours amusée lorsqu’on s’étonne qu’une femme aussi menue puisse soulever une charge si lourde… Il lui faut bien quelques minutes avant que son plateau soit libre de tous verres, et ce n’est qu’en retournant derrière le bar qu’elle remarque la nouvelle présence. Andrija. Si elle avait encore eu un cœur, sans doute celui-ci aurait fait un bond dans sa poitrine en le reconnaissant. C’est idiot, il vient au bar assez souvent, ce qui fait que les moments qu’ils passent ensemble ne sont pas ce qu’on pourrait qualifier de rare. Mais il n’en reste pas moins qu’elle craque pour lui. À ses côtés, elle a l’impression d’être une gamine, une adolescente qui ressent ses premiers papillons dans l’estomac. Elle a l’impression d’être humaine, presque.

« Je t'ai manqué ? » Oui. C’est idiot, ils se sont vus il y a quelques jours. Mais souvent, lorsqu’il est au bar, le temps lui manque. Trop occupée à servir ses clients, elle ne bavarde que très légèrement avec lui. Les réels moments d’intimité ne sont que trop rares, entre eux. « Et comment! Tu as vu, tout est en désordre ici. Tu devrais venir plus souvent. », déclare-t-elle à la blague, faisant référence à son obsession face à l’ordre. « Plus sérieusement, je suis heureuse de te voir! » D’un coup d’œil, elle balaie la salle du regard afin de s’assurer que personne ne tente d’attirer son attention, et elle repose son regard sur Andrija. Elle s’attarde à détailler son visage, son regard d’azur, son nez droit, sa mâchoire taillée au couteau, et son sourire… Ce sourire! Il la fait fondre. « Et moi, je t’ai manquée? Tu viens de plus en plus souvent ici, non? C’est la bière qui est délicieuse, ou tu as d’autres motifs? » Lui adressant un clin d’œil joueur, elle attrape un verre et fait couler une bière ambrée. Elle ne laisse qu’un filet de mousse sur le liquide couleur caramel, et pose le verre devant Andrija. « C’est une nouvelle marque, on vient de la recevoir. Tu me diras ce que tu en penses. »

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Il est conscient qu'il est beau, qu'il plaît aux filles. Mais il n'en prend pas avantage, il ne se permet pas de profiter de cibles fragiles grâce à ses facilités. D'ailleurs, il charme beaucoup, mais il est rare que cela aille plus loin. Il est étrange, le Andrija. Quinze ans passés avec une seule femme, ça laisse forcément des traces. Il y a des filles, comme elle, qui lui font de l'effet. Un peu plus que juste de l'attirance, à cause de son corps ou de son visage, qui dans ce cas là, étaient ravissants. Et puis elle est gentille avec lui, vive, il devine une intelligence derrière son regard. Il rigole à ses phrases, elle le taquine souvent à cause de son obsession de son ordre .. Qui dans les moments les plus anxiogènes, ressemble d'avantage à un toc. Mais là, tout est bon, le bar n'est pas très bondé. Il fait parfois peur aux autres clients en remettant leur verre à égale distance des deux bords, sans même leur adresser la parole. Il est original sur certains points, mais jamais méchant.

Il ne lui répond pas directement et prend une gorgée de la bière qu'elle vient de lui servir. Ce n'est pas son alcool préféré, mais dieu que ça fait du bien. Il se rafraîchit et ferme à demi les paupières pour apprécier. Après avoir bu pendant quelques secondes, il repose le verre. « Tu me l'offres ? Parce que je suis ton client préféré » dit-il avec un clin d’œil. Bien sûr, il n'a pas de problèmes d'argent .. C'est tout le contraire. Et il n'en fait pas étalage, au contraire, il se sent normal, bien loin de son métier et de ce train de vie. Un soupir s'échappe de ses lèvres. « Je crois que la compagnie est bien plus appréciable que la boisson, tu n'en doutes pas j'espère ? Tu n'as pas l'air de manquer de confiance en toi » Il lui adresse un plus grand sourire et revint prendre quelques gorgées. « Je sens que tu vas très vite m'abandonner pour servir les habitués à l'autre bout de la salle. Ce n'est pas que je n'aime pas te regarder te déhancher, mais bon, je préfère quand tu me regardes, moi .. » dit-il avec une petite moue, joueur.

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Elle émet un rire discret lorsqu’il lui demande si elle compte lui offrir la bière. Il est vrai qu’elle lui a imposé ce choix, ne prenant même pas la peine de lui demander ce qu’il souhaitait boire. Elle prend trop ses aises avec son client, son patron ne serait sans doute pas heureux. « C’est pas ça qui va payer mon loyer… », grommelle-t-elle en rigolant. Honnêtement, Elvira n’a aucun problème monétaire, elle ne travaille ici que pour tromper l’ennui. « Évidemment que je te l’offre. Mais en échange, tu devras m’offrir quelque chose à ton tour. », dit-elle après un instant de réflexion.

Il lui faut beaucoup de contrôle pour ne pas éclater de rire lorsqu’Andrija mentionne qu’elle ne semble pas manquer de confiance en elle. Elle, Elvira Szabó, être sûre d’elle-même?! Elle ne se rappelle même pas quelle sensation la confiance en soi apporte, tellement cela remonte à des siècles. Littéralement. Abandonnée par son créateur quatre siècles auparavant, elle a longtemps été l’une des créatures les plus incertaines qui soit. Elle commence à peine à s’en remettre… Mais il faut croire qu’elle joue bien le jeu. Elle reste donc de marbre, ne faisant qu’hausser les épaules en rendant à Andrija son sourire. « Tu as raison, je vais devoir t’abandonner quelques minutes. Ne fait pas de bêtises. » C’est ainsi qu’elle s’éloigne vers une table, se déhanchant de manière particulièrement exagérée pour le faire rire. Elle sert quelques bières, nettoie une table, éconduit sévèrement un homme qui lui a claqué une fesse. Espace d’une seconde, elle s’imagine saisir sa gorge, l’envoyer au sol. Elle devine le regret qu’elle pourrait lire dans le visage de cet homme, et surtout, elle rêve du moment où ses crocs se refermeraient sur sa gorge, le vidant jusqu’à la dernière goutte de son sang. Puis elle se détourne, fronçant les sourcils. Il est rare qu’elle ressente de tels fantasmes, qu’est-ce qui lui prend?! Elle a soif, c’est évident. En soupirant, elle retourne face à celui qui s’est auto proclamé son client favori, et tout en appuyant ses coudes sur le comptoir, elle saisit sa tête entre ses mains. « Veux-tu bien m’expliquer pourquoi j’ai choisi cet environnement de travail? », se plaint-elle. Certes, plusieurs raisons pratiques expliquent son choix : les horaires nocturnes, par exemple. Mais ça, il l’ignore.

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Lui offrir quelque chose ? Il se demande vraiment ce qu'elle a derrière la tête. Il ne se départit pas de son sourire alors qu'elle lui annonce devoir le quitter pour d'autres clients. Il ne se plaint pas, il ne veut pas passer non plus pour un gros lourd, mais il l'observe de loin. Son rire sort aisément en la voyant accentuer sa démarche, et ça lui fait énormément de bien. Au moins, il ne se trouve pas en compagnie de quelqu'un de déprimant et qui lui fait retomber le moral. Il l'aime bien, cette petite Elvira. Elle fait d'ailleurs partie des personnes dont il est le plus proche ici, puisqu'il n'est pas dans la ville depuis bien longtemps. Et il en est content, parce que de ce qu'il sait d'elle, elle n'apporte pas vraiment de problèmes, c'est une fille simple. Mais après, il ne sait pas tout de sa vie.

Elle revient vite auprès de lui, pour son plus grand bonheur. Et il l'écoute se plaindre en riant doucement. Ce n'est pas un métier si pénible que ça, serveuse. Il l'a vu bien sûr, l'homme qui lui a mis la main aux fesses .. Et qui lui donna envie de se servir de son poing. Mais elle sait se débrouiller, ce n'est pas une femme soumise. Elle l'a vite remis à sa place. Les gars doivent la connaître de réputation, en tout cas les habitués, et elle ne doit pas se faire embêter tant que ça. Andrija l'espère. Il ne sait pas si elle a fait des études, si elle aspirait dans le passé à faire un autre métier. Ce n'est pas de ce genre de choses dont ils parlent, ils ne savent pas grand chose l'un de l'autre. Ils rigolent, ils se taquinent, se lancent des regards, rendent le temps un peu plus plaisant l'un pour l'autre. « On peut échanger, si tu veux. » dit-il avec un grand sourire. Bien que passionnant, le métier de neurologue implique de longues heures de travail, beaucoup de maux de tête et de patients têtus. « Je peux bien te trouver un poste d'assistant à la clinique, si tu veux .. C'est beaucoup moins glamour, mais bon. On se verrait tout le temps, comme ça. Il y en a beaucoup, des fantasmes avec les secrétaires, non ? » dit-il d'un ton assez innocent. Il finit sa bière qu'il avait déjà bien entamée lorsque Elvira l'avait quittée et pousse un soupir. « D'ailleurs, tu travailles jusqu'à quelle heure ? C'est pas que je n'aime pas te voir partir et revenir et ne prêter aucune attention à moi, mais bon .. Je suis un peu jaloux. »

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Échanger? Certainement pas. Si les siècles lui ont permis de développer son intelligence et sa dextérité à un tel point qu’elle ferait merveilleusement le travail, il est hors de question qu’elle joue avec des humains, professionnellement parlant. Il ne lui suffirait que d’un instant d’inattention pour que l’odeur alléchante du sang lui fasse perdre tout contrôle. Déjà, au bar, il arrive qu’un client brise un verre et s’occasionne ainsi une plaie. Chaque fois, c’est une véritable torture. Toutefois, elle reste impassible, se contentant d’adresser à Andrija un sourire en coin, faisant mine de réfléchir à son offre. « Je ne sais pas trop. J’imagine que l’offre est intéressante, mais je suis plutôt un oiseau de nuit… » Elle doit se mordre l’intérieur de la joue pour ne pas rire à cet euphémisme. « Et, sans vouloir paraître vantarde, j’ignore à quel point j’ai besoin de davantage de raisons pour alimenter les fantasmes. », ajoute-t-elle, faisant un signe de tête vers le client qui lui a fait des avances.

S’assurant d’un coup d’œil que personne n’a besoin d’elle, elle contourne le bar et prend place sur le siège voisin d’Andrija. « J’avoue par contre que le fait de te voir plus souvent n’est pas négligeable. Mais tu ne crois pas que ça affecterait tes performances? Je veux dire, regarde quand tu viens ici, je délaisse tous mes autres clients. Tu ferais peut-être pareil… » Tout en parlant, elle laisse sa main se poser sur l’épaule d’Andrija, puis caresser lentement sa nuque. Un geste familier, peut-être un peu trop intime. Elle ne peut s’en empêcher, il existe entre elle et le neurologue une attirance indéniable, et chaque fois qu’il se trouve à ses côtés, elle perd ses inhibitions. Elle meurt d’envie de l’embrasser, mais ne cède pas à cette envie, préférant ne pas alimenter les conversations des gens environnants. Avec un peu de chance, elle assouvira ses pulsions d’ici la fin de la nuit. « C’est ton jour de chance, me semble-t-il. Je finis dans une vingtaine de minutes. Je suis toute à toi, après. » Elle l’observe, longuement, mordillant sa lèvre inférieure, espérant qu’il saisira cette perche.

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Cette fille est incroyable. Et Andrija se le répète à chaque fois qu'il vient s'asseoir à son bar. Il ne peut se départir de son sourire alors qu'elle vient s'asseoir juste à côté de lui. Assez proche pour qu'il puisse sentir son parfum délicat et sucré. Elle a raison, il serait perturbé et sûrement déconcentré avec une secrétaire pareille. Il est heureux de l'entendre lui donner une place particulière, il aime se sentir spécial, plus apprécié que les autres clients. Peut-être qu'elle dit ça à tout le monde, pour gagner un peu d'argent, mais .. Il la croit sincère. Depuis un an qu'il vient dans l'établissement régulièrement et elle ne lui a jamais fait apercevoir une quelconque forme de déception. Et elle le touche, nonchalamment, ce n'est pas la première fois qu'elle le fait et il n'en est pas dérangé. Bien sûr, il reste une petite part d'inconfort à l'idée d'être touché par une autre personne que celle avec qui il avait passé une quinzaine d'année, mais c'était autant de nouvelles expériences. Il vient draguer ici et ailleurs, et ce n'est pas la première fois qu'on en profite pour le tripoter un peu. Ce n'est pas désagréable du tout.

Une vingtaine de minutes ? Sans savoir pourquoi, une certaine tension vient dans son ventre. Du stress, peut-être. Parce qu'elle ne sait pas à quoi elle s'attend, ce qu'ils vont faire. Elle ne passe pas par quatre chemins dans son attitude et ses attentions, mais Andrija est toujours hésitant. Il ne le laisse pas paraître, il est devenu maître dans cet art. « Je n'avais pas prévu de me coucher tôt, de toute façon. » Il l'observe dans les yeux, penche la tête sur le côté, un peu taquin. « Je ne suis jamais allé chez toi, tu me ferais visiter ? » Il sait qu'il joue avec le feu, qu'il se montre entreprenant, mais tant pis. Les sous entendus sont monnaie courante dans leurs conversations et ça depuis un bon bout de temps. Il vient poser sa main sur celle d'Elvira, là, sur sa nuque. Et il laisse passer ses doigts entre les siens, doucement, une étreinte éphémère puisqu'elle repartirait bientôt travailler pour ces vingt dernières minutes.

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Chez elle? Elvira hésite. Certes, son appartement peut très bien passer comme « normal » aux yeux d’un humain : elle met tout en œuvre pour que ce soit le cas. Par de cercueils, pas de toiles d’araignées. Juste un bel appartement lumineux, avec les placards remplis de nourriture. Le seul souci : il n’y a aucune fenêtre, ce qui peut susciter des questionnements. Mais ce n’est pas ce qui l’inquiète le plus… Que se passera-t-il, si Andrija décide d’y passer la nuit? Lorsqu’il réalisera qu’elle dort d’un sommeil de plomb pendant le jour, qu’il sera incapable de la réveiller? Et s’il lui propose d’aller déjeuner, en plein jour? Lorsqu’elle va chez lui, elle s’arrange toujours pour trouver une bonne excuse afin de quitter les lieux avant le lever du soleil. Mais là, elle se met dans une situation plus risquée… Peut-être est-ce le temps de lui avouer la vérité? Elle hésite. Ce n’est pas qu’elle n’a pas confiance en lui, au contraire. Cependant, elle a eu de nombreuses occasions de scruter son esprit, et elle a la certitude qu’il ignore absolument tout des légendes la concernant. Elle ne peut donc pas évaluer son ouverture d’esprit, ni prévoir sa réaction. Et, soyons honnêtes, elle n’a pas du tout envie de le perdre. Enfin… elle improvisera en temps et lieux. « Avec plaisir. », répond-elle avant de retirer sa main et de se lever de son siège.

C’est en lui adressant un sourire qu’elle le quitte, s’affairant à remplir des verres et nettoyer quelques tables. Ces vingt dernières minutes lui semblent interminables, et c’est avec un réel soulagement qu’elle retire son petit tablier, rangeant ses pourboires dans son sac à main. Après avoir salué ses collègues, elle retourne vers Andrija, attrape sa main au passage, l’entraînant d’un pas léger vers la sortie. « Je suis prête! J’habite à une quinzaine de minutes d’ici, tu veux marcher, ou prendre un taxi? » Elle-même se déplace toujours à pied, il faut dire qu’avec ses capacités particulières, le chemin est beaucoup plus rapide que ce qu’elle prétend…

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Elle semble hésiter. Ou tout du moins, elle prend un petit temps pour répondre, Andrija le sent, le remarque. Mais Elvira finit par accepter et il se dit qu'il se fait des idées, qu'elle n'a pas vraiment de réticences à l'avoir chez lui. Et s'il lisait les signes de la mauvaise façon ? Si elle n'était pas du tout intéressée par lui, et le considérait comme un boulet ? Non. Elle l'aime bien, c'est sûr. Sinon, elle ne le toucherait pas, ne lui accorderait pas autant d'attention. Il ne faut pas s'inquiéter, et Andrija se relaxe sur son tabouret. Elle le quitte à nouveau, pour ces vingt minutes qu'elle lui a déjà annoncé. Il l'observe, finissant son verre lentement. Les minutes s'égrènent avec une lenteur peu connue. Il s'ennuie, profondément. Alors il ferme les yeux et tente de gagner quelques minutes de sommeil, assis là, son menton dans sa paume, habitué aux nuits courtes et à ces occasions de gagner du répit pendant les petites pauses de la journée, et de la nuit. Il sait qu'ils ne dormiront pas de sitôt, alors il se prépare. Ses années en médecine lui ont appris à fonctionner avec le minimum d'heures de sommeil, ce qui lui permet de mieux remplir ses journées. Parfois, il envie ces gens qui passent la moitié de leurs vingt-quatre heures dans leur lit, parfois, il a de la pitié pour eux.

Et elle a sa main dans la sienne, ils quittent le bar. Le sourire d'Andrija renaît sur son visage, il la regarde du coin des yeux, amusé. C'est bon, elle est tout à lui. Marcher, ou taxi ? « Je préfère marcher » répond-il rapidement. Il aime l'activité physique, sentir son corps, ses jambes, bouger sous lui. Il a connu trop de patients qui étaient limités dans leurs mouvements, emprisonnés dans leur propre corps, pour ne pas profiter du sien au maximum. Il garde sa main dans celle d'Elvira, entrelaçant ses doigts aux siens. La fraîcheur de la nuit est agréable, il se sent revigoré. « Je n'arrive pas à imaginer à quoi ressemble ton appartement. Je me doute que tu n'es pas aussi maniaque que moi, mais .. Es-tu bordélique ? Je t'offre mes services d'homme de ménage si je trouve ne serait-ce qu'une petite culotte par terre » dit-il avec une moitié d'humour. Après tout, il en est capable. Il ne sait pas pourquoi ça le dérange autant, les choses qui ne sont pas à leur place. Mais c'est comme ça, un point c'est tout. Sa propre maison paraît aseptisée, dénuée de toute personnalité. Des grands tableaux sont disposés de ça et là, mais tout est blanc, noir, il n'y a rien qui laisse deviner ses goûts. « Tu as prévu quelque chose pour la nuit ? » demande-t-il avec malice.

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Elvira est heureuse de marcher avec lui. Habituellement, elle rentre si rapidement chez elle qu’elle ne prend pas la peine d’apprécier le paysage qui s’offre à son regard. Elle ne remarque jamais les feuilles qui frémissent dans les arbres, ou le pavé qui scintille légèrement, illuminé par les reflets de la lune. Elle prend rarement le temps de goûter au plaisir de la brise qui caresse son corps, ou d’humer les odeurs nocturnes. Après plus de cinq siècles d’existence, elle ne sait plus prendre plaisir à ces petites choses, à dire vrai elle ne sait plus les remarquer. Mais en présence d’Andrija, toutes ces sensations refoulées reprennent leur sens et s’imposent à elle. Elle en frissonnerait de délices, si elle le pouvait. Elle sent la paume chaude d’Andrija contre la sienne, et elle doit s’efforcer de ne pas accélérer le pas vers son logement. Elle meurt d’envie de goûter à sa chaleur, avidement, pleinement. « Ne t’inquiète pas, je ne suis pas du genre à me laisser traîner partout. Même que c’est super joli, chez moi! Enfin, il y a des vêtements éparpillés un peu partout, c’est vrai… Tu n’imagines pas le temps que ça prend dénicher la tenue parfaite. » Mentalement, elle tente de se rappeler l’état des lieux de sa chambre. Oui, il y a quelques robes empilées sur le pied de son lit, et sans doute plusieurs paires de chaussures qui jonchent sur le sol. Mais rien de bien dramatique. « Par contre, ma cuisine et ma salle de bain sont immaculées. » Elle retient un rire : évidemment, elles sont parfaitement nettes, parce qu’inutilisées. « Mais je ne dirais pas non à t’utiliser comme homme de ménage. À condition que tu portes l’uniforme, évidemment. Juste un petit tablier en dentelle, par exemple. » Elle lève le regard rieur vers lui, un large sourire étiré sur ses lèvres. Délicieuse image mentale.

« Disons que je n’avais rien de prévu. Mais maintenant que tu fais partie de mes plans, j’ai peut-être quelques idées en tête… » Elle fait quelques pas en silence, son regard alternant entre la route et Andrija. Doucement, elle ralentit le pas, et lorsqu’ils s’arrêtent, elle l’observe durant un court moment. « Tu sembles épuisé. », constate-t-elle, effleurant du bout des doigts les minuscules rides qui côtoient le regard d’Andrija. « Je ne serai peut-être pas trop exigeante dans mes projets, dans ce cas… », murmure-t-elle avant de se dresser sur la pointe des pieds, effleurant légèrement les lèvres d’Andrija dans un baiser furtif.

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Elle est obligée de jouer avec lui, de sous entendre des situations plus ou moins osées. Et il aime ça. Ce n'est pas quelque chose qui lui arrive souvent, pourtant. Il aime charmer, seulement pour le plaisir, mais il ne va que rarement plus loin avec une fille. Peut-être parce qu'il a besoin de sentir une certaine connexion, un lien. Ça fait longtemps qu'ils se tournent autour et Elvira est une des filles qu'il apprécie le plus dans cette nouvelle ville. Il ne craint pas ce qui pourrait arriver, et reste ouvert à toutes les possibilités. Andrija essaie de rester dans le moment présent, de ne pas trop réfléchir à ce qui s'est passé avant, ce qui pourrait se passer ensuite. Il sait qu'il apprécie ce qu'ils vivent, qu'il s'amuse de sa fraîcheur et de ses sous entendus, de ses regards emprunts de sensualité qu'elle laisse glisser sans gêne le long de son visage et de son corps. « Je serais totalement sexy dans cette tenue, tu t'évanouirais sûrement très rapidement. » dit-il en riant. Bien sûr il ne ferait probablement jamais une chose pareille, mais l'idée est amusante. Il sent leurs pas ralentir, en cadence avec ceux d'Elvira, et finalement, ils s'arrêtent, sans qu'Andrija ne sache réellement pourquoi. Il se tourne légèrement vers elle et croise son regard, sans savoir ce qu'elle peut bien attendre de lui. Il frissonne en sentant les doigts de la jeune femme sur son visage. Elle effleure ses lèvres et il reste figé, son cœur ratant un battement.

Il se remet à marcher, rapidement. Heureusement qu'il fait nuit, elle verrait sûrement le rouge sur ses joues. Il se hait de réagir comme un adolescent, mais il n'a pas eu tellement l'occasion de vivre ce genre de situation. Il soupire et réfléchit. S'il perd ses moyens aussi facilement, que se passerait-il dans son appartement ? Calme. Andrija, tu es un homme de plus de trente ans. Pense à ta fierté. Il se remet d'aplomb et reprend la main d'Elvira, si froide, dans la sienne. Il ne sait pas s'ils sont proches ou pas, il profite de la marche. « Tu sais .. » commence-t-il, un sourire venant à nouveau prendre place sur ses lèvres « tout étudiant de médecine sait faire face à la fatigue et aux rares heures de sommeil. Ne t'inquiète pas pour moi, je tiendrai le coup » Il tourne le regard vers elle pour croiser le sien, jouant comme elle avait pu le faire auparavant. Il ne ment pas. Quelques heures lui sont suffisantes pour fonctionner, et il a déjà marché à plus de 48 heures sans aucun sommeil. « On est encore loin, tu crois ? Ce n'est pas que je n'aime pas la balade, mais .. »

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C’est avec plaisir qu’elle remarque son trouble. Celui-ci fait d’ailleurs écho au sien. Depuis qu’ils ont quitté le Romkocsma, elle sent le désir monter en elle, de plus en plus puissant. Ce baiser volé n’a fait que décupler sa soif de lui… Ses soifs de lui. Elle reprend la marche, calquant ses pas sur ceux d’Andrija, sa main venant naturellement retrouver la sienne. Elle a hâte d’arriver enfin, de s’abandonner aux envies qui la tenaillent chaque fois qu’elle se trouve en sa présence. « Heureuse d’apprendre que tu ne comptes pas t’endormir sitôt arrivé. », dit-elle à demi voix. « Nous y sommes presque. »

Le reste de la marche se déroule en silence, et lorsqu’ils arrivent enfin face à l’édifice où elle vit, elle sort ses clés. Le temps de prendre l’ascenseur, ils arrivent face à sa porte, et elle le laisse entrer en premier. Le logement est petit, mais agréable. Les meubles sombres font un joli contraste avec les murs crème, mais les quelques éléments de décoration choisis avec goût donnent un aspect chaleureux à la pièce qui lui sert à la fois de salon et de salle à manger. Au fond, on peut apercevoir la cuisine, à aire ouvertes, et les deux seules portes visibles laissent deviner ce qui se trouve derrière : les toilettes, et sa chambre. Évidemment, c’est à cet endroit qu’elle souhaiterait inviter Andrija, mais elle n’a pas envie d’être trop entreprenante alors qu’ils viennent à peine de franchir le seuil. « Bienvenue chez moi! Tu veux boire quelque chose? » Rapidement, elle fait un inventaire mental de ce qu’elle pourrait lui offrir. Il faut dire qu’au supermarché, elle achète toujours un peu n’importe quoi afin de paraître normale, mais elle ne fait jamais vraiment attention à ce qu’elle met dans son panier. Enfin, elle doit bien avoir quelques bières, du vin, ou des sodas.

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Il ne savait pas à quoi s'attendre mais il n'est pas surpris. Rien d'original ou de choquant dans son appartement, seulement un logement où il fait bon de vivre. Puisque la nuit est tombée, il ne remarque pas l'obscurité qui serait également présente en plein jour. Il avance un peu dans la pièce et regarde les meubles, il ne peut pas trop se plaindre, c'est assez bien rangé. Bien sûr, il pourrait ajuster un objet à un endroit ou à un autre, pour que tout soit bien droit, mais il se retient, ce n'est pas le moment de paraître cinglé. Il pousse un soupir et ne sait pas trop quoi faire, où aller. Il sait qu'ils ont très bien en tête, tous les deux, la même idée, mais il n'est pas prêt à lui sauter dessus tout de suite, à peine rentré. Elle lui propose un verre et il hoche la tête, réfléchit un peu. Il a déjà bu au bar mais son seuil de tolérance est assez élevé, une bière de plus ne lui fera pas de mal. « Une bière, si tu as, merci » dit-il en continuant à observer les alentours.

Il finit par s'asseoir dans le salon sans vraiment demander, il ne pense pas qu'elle s'en formalisera. Il se sent étrangement bien, et il ne sait pas si c'est à cause de la jeune fille, de l'alcool dans son sang ou juste de la situation. Peut-être que son corps est sous une certaine forme de manque et se prépare à l'activité physique source d'un grand plaisir. Il ne peut nier la crainte qui se loge au fond de son ventre. Mais il sait qu'il peut la dépasser, que ce ne sera pas ça qui l'arrêtera. Alors il l'observe bouger, un peu plus loin. Les courbes de son corps, sa peau laiteuse. Elle est belle, sûrement une des plus belles filles qu'il a rencontré dans sa vie. Elle doit sûrement le trouver beau aussi, pour être ici avec lui.  « Tu bois un peu avec moi ? » demande-t-il assez innocemment. Il ne veut pas avoir l'impression d'être au bar, avec elle qui le sert et lui qui consomme. Il l'invite à venir s'asseoir à côté de lui une fois qu'elle eut préparé les boissons, pour sentir sa chaleur près de son épaule et son odeur.

« Tu crois que c'est une bonne idée que je sois venu ici ? »

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Elvira se rend à la cuisine, et sort du réfrigérateur une bouteille de bière. Il est évident qu’elle n’a elle-même pas envie d’en boire : il n’y a rien de plus désagréable que de tenter d’avaler de la nourriture ou une boisson destinée aux humains. La matière se transforme inévitablement en cendre, et le goût est puissant, dégoûtant. Mais, à l’occasion, elle n’a pas le choix de jouer le jeu. C’est le prix à payer lorsqu’on décide de s’afficher ainsi. Au bar, elle refuse souvent les verres que lui offrent ses clients, prétextant qu’elle a déjà trop bu et qu’elle préfère conserver ses moyens, ou elle jette tout simplement le contenu de son verre en faisant semblant de le boire. Mais là, elle est prise au piège, et c’est sans broncher qu’elle prend une seconde bouteille avant de venir retrouver Andrija. Elle s’assoit tout près de lui, suffisamment pour que leurs cuisses se frôlent, et boit directement au goulot une gorgée de sa bière, tout en tendant à Andrija sa bouteille. Aucune grimace sur son visage, elle mériterait une nomination aux oscars du cinéma juste pour cette performance.

« Je n’aime pas tellement boire. J’ai déjà vu trop de gens que l’alcool avait détruit, je préfère normalement éviter. Mais pour toi, je fais une exception. » Elle ponctue sa phrase d’un sourire, tout en écoutant la demande d’Andrija. Elle fronce légèrement les sourcils, avant de hausser les épaules. « Pourquoi ne serait-ce pas une bonne idée? », demande-t-elle, sincèrement curieuse de la réponse. Ils ont clairement des affinités et un désir mutuel, alors pourquoi chercher à compliquer les choses? Pour elle, Andrija n’est pas comme les autres. Elle éprouve une grande attirance pour lui, mais il ne s’agit pas de vouloir son sang, ou de simplement vouloir combler ses besoins charnels. Elle est également attirée par sa personnalité, par la personne qu’il est fondamentalement. Une attirance physique et psychologique, qu’elle ne cherche pas à comprendre dans l’immédiat. Elle a si longtemps refusé de s’attacher à qui que ce soit, trop blessée par l’abandon de son créateur, et aujourd’hui elle prend conscience qu’elle a dépassé le stade habituel de ses limites. Oui, au final, peut-être s’agit-il d’une erreur. Mais d’une erreur qui sera sans doute très, très agréable. « Si tu préfères partir, je comprendrai… », dit-elle d’une voix basse, plus rauque qu’à l’habitude. « Mais je tenterai peut-être de te convaincre de rester. »

[poisoned soul]

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Il n'a pas envie de partir, ce n'est pas ce qu'il est en train de sous entendre. Il sait très bien qu'il ne se lèvera pas de ce canapé pour prendre la porte, pas quand elle est aussi proche de lui. Il sent le contact de sa cuisse contre la sienne et ressent quelques frissons, absolument pas liés à la température. Il n'est tellement pas habitué à une telle situation. Il a été pendant 15 ans avec la même personne, n'a jamais eu une autre petite amie qu'elle. Depuis son divorce, il a eu quelques aventures mais très peu, qui ne se soldaient pratiquement jamais au lit. Il a toujours cette peur de l'acte intime, avec quelqu'un de différent que son ex femme. Il se sent pitoyable, il a plus de trente ans et est habité par des craintes de jeunot, mais c'est toujours désagréable. Il sait que c'est une bonne chose, de passer à quelqu'un d'autre, même pour une nuit. Peut-être que ça le débloquera, lui montrera qu'il peut à présent profiter de la vie et des opportunités qui lui sont proposées.

Elle joue, ne se démonte pas. Il apprécie sa détermination et lui adresse un sourire. « Je crois que ça ne sera pas nécessaire » dit-il doucement. Il pose une main sur la cuisse d'Elvira tout en la fixant dans les yeux. Il ne laisse apparaître aucune hésitation, il pense qu'elle se moquerait de lui s'il lui montrait ne serait-ce qu'un signe de faiblesse. Une réflexion tout sauf logique car elle n'est pas méchante. De son autre main, il prend sa bouteille qu'il avait posé sur la table basse et boit. Il veut prendre son temps, la laisser attendre. Il sait que plus les secondes passent, plus le désir est important, plus la frustration est dure à éviter. Il sent son corps entier se tendre en attente, d'excitation, et il sait qu'il ne pourra quand même pas étirer le temps indéfiniment. Il remonte lentement sa main le long de la cuisse d'Elvira et se penche vers elle sans pour autant toucher ses lèvres, il les effleure juste, lui fait sentir son souffle chaud. Il garde les yeux ouverts, pour se perdre dans la couleur de son regard. Il se demande à quoi elle pense. Les siennes, de pensée, sont dans un désordre, une mixture de peur et d'envie, d'erreur et de raison.

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En sentant la main d’Andrija sur sa cuisse, Elvira soutient son regard. Les secondes s’éternisent, empreintes d’une tension presque palpable. Elle suit du regard sa main qui se tend vers la bouteille, ses lèvres qui se posent sur le goulot, sa gorge qui se contracte en avalant la gorgée. Elle meurt d’envie de tendre les doigts, d’effleurer son cou si désirable, mais elle reste immobile, sous le charme. Lorsque la main d’Andrija poursuit son ascension sur sa cuisse, elle ferme les paupières, tendue par l’attente interminable. Ce n’est plus qu’un désir, c’est désormais devenu une nécessité. Elle a besoin de lui, de sa chaleur, de son corps contre le sien. Son souffle glacé se mêle à celui d’Andrija alors que leurs lèvres s’effleurent, elle doit user de toute sa maîtrise de soi pour ne pas imposer son impatience. Ses paupières s’ouvrent à nouveau, son regard s’accroche au sien. Généralement, elle tente d’éviter les regards directs avec Andrija, afin de ne pas faire intrusion dans des pensées qu’il voudrait sans doute garder pour lui. Elle écarte cependant sa morale, plongeant dans ses pensées, y devinant la même confusion qu’elle-même ressent. Tout n’est qu’envie et crainte, tout n’est qu’écho à ses propres pensées.

Elle n’en peut plus. Ses mains glissent lentement le long du torse d’Andrija, avant de trouver chacun des boutons de sa chemise pour les libérer, un à un. Lentement, elle écarte les pans de tissus, effleure lentement sa peau du bout de ses doigts, avant de poser ses paumes glacées sur son torse. Ses lèvres trouvent naturellement le cou d’Andrija, qu’elle s’amuse à embrasser, mordiller. Évidemment, elle n’y mord pas réellement, elle ne fait que titiller la peau de ses dents, faisant fi du délicieux arôme qui s’en dégage. Délectable torture.

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Il frissonne en sentant ses mains sur son torse. Elle ouvre sa chemise sans gêne et il ne fait aucun effort pour la stopper ou la ralentir. Il sent sa respiration s'accélérer légèrement, la température de son corps monter. Elle est glacée, et pendant quelques secondes, le médecin qu'il est se dit que ce n'est pas normal. Ils sont à l'intérieur à présent il n'y a aucune raison pour qu'elle soit aussi froide. Il écarte bien vite ces pensées en la sentant dans son cou. Il ferme lentement les paupières et soupire de plaisir, passant une main dans sa chevelure blonde pour la presser un peu plus contre lui. Ses muscles se tendent et il sent son corps s'éveiller sous ce contact affreusement délicieux. Il a l'impression que ce n'est pas pareil qu'avec les rares filles qu'il avait ramené du bar, il y a quelque chose de plus. Peut-être parce qu'il la connaît depuis si longtemps, qu'elle est si belle, si vive, si drôle, si intelligente. Il essaie de cesser de penser et de s'abandonner uniquement aux sensations. Sentir les dents d'Elvira contre sa peau l'excite un peu plus sans qu'il ne puisse réfléchir au pourquoi, et il bascule légèrement la tête vers l'arrière pour l'inviter à continuer ses baisers.

Au bout d'un moment, il veut lui aussi pouvoir goûter à sa peau et il la repousse légèrement. Après l'avoir regardée dans les yeux quelques secondes, il la pousse contre le canapé pour pouvoir venir se mettre au dessus d'elle. Il laisse ses doigts parcourir son cou, ses clavicules, le haut de sa poitrine. Il vient l'embrasser sur la joue, le long de la mâchoire, tous les espaces libres de son visage avant de venir goûter à ses lèvres comme une consécration. Son baiser est d'abord doux et maladroit, avant de se transformer en quelque chose de pressé et passionnel. Il laissa sa main descendre jusqu'à sa taille pour la serrer un peu plus contre lui. Il a envie de sentir sa peau, et passe sa main sous son haut, se surprend encore une fois de sa température. Dans sa propre chaleur, il n'y prête pas attention et caresse son ventre, sa taille, se tâte à monter un peu plus.

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Effectivement, ce qu’ils font ne ressemble à rien de ce qu’ils ont pu connaître autrefois. Lui, c’est sa première fois avec un vampire. Elle, c’est sa première fois avec un homme qui n’est pas à ses yeux qu’un vulgaire instrument destiné à combler ses instincts. Leurs mouvements sont tellement synchronisés qu’ils prennent une teinte habituelle, comme s’ils étaient faits l’un pour l’autre. Elle se laisse repousser contre le divan, s’enfonce dans le confort de celui-ci. Les rares pensées qu’elle réussit à capter ne trahissent rien qu’elle ne ressente déjà, lui faisant douter de l'efficacité momentanée de son pouvoir. C'est avec délectation qu’elle goûte enfin à ses lèvres. La passion transmise par ce baiser trouve écho au désir évident qu’ils ressentent l’un pour l’autre. La main d’Andrija trouve son chemin sur sa poitrine, et elle se cambre avec délices, lui offrant tout ce qu’il désire.

Ses jambes s’enroulent autour de la taille d’Andrija, l’attirant à elle, pressant leurs corps l’un contre l’autre si bien qu’il n’y a plus que quelques couches de vêtement les séparant. D’un mouvement de bassin langoureux, elle s’amuse à le provoquer, mais ne fait ainsi qu’attiser le feu qui brûle en elle. Elle le veut, maintenant. Sa respiration devient saccadée, elle qui n’a pourtant pas besoin d’oxygène. Un réflexe humain qui semble désormais naturel, maintenant qu’elle se sent plus vivante que jamais. Son baiser se fait plus pressant, alors qu’elle le débarrasse de sa chemise, l’envoyant valser sur le sol. Ses mains parcourent son dos désormais dénudé, prenant plaisir à découvrir sa peau, sa musculature.

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La torture est lente, délicieuse. Chaque seconde qui passe où elle ne l’a pas en lui prend la forme d’un supplice dont elle est la victime. Elle se mord les lèvres pour étouffer ses gémissements, qui deviennent de plus en plus sonores. Tout son corps est tendu vers lui, et alors qu’il embrasse sa poitrine, elle glisse une main dans sa chevelure. Elle joue avec les mèches de cheveux, s’abandonnant aux sensations de la langue d’Andrija sur sa peau. Ses gémissements se transforment en lamentations, et sa prise autour du bassin d’Andrija se renforcit. Elle doit d’ailleurs faire attention, c’est tellement facile de s’abandonner en cet instant… Il lui faudrait calmer la situation, s’assurer qu’elle ne dérape pas, qu’elle n’agit pas de manière inhumaine. Reprendre le contrôle de la situation. Mais elle en est incapable, son corps contre le sien lui fait perdre tous ses moyens. Elle est à sa merci, restera sa victime aussi longtemps qu’il le désire.

N’en pouvant plus, elle attire son visage au sien. Son regard s’accroche au sien un moment, regard flamboyant. Leurs lèvres s’unissent à nouveau dans un baiser toujours aussi passionnel, enflammé par le désir. Avec hâte, Elvira s’affaire à retirer ce qui lui reste de vêtements. Elle ne peut plus attendre, ne peut plus subir cette torture. Ses mains se dirigent vers la braguette d’Andrija, et elle ne sépare leurs lèvres que pour le questionner du regard.

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Sentir ses lèvres contre le siennes est une sensation inimitable. Il joue, la mordille, la caresse de sa langue tout en la sentant se dévêtir sous lui. Il ne la regarde pas, il a les yeux fermés et laisse ses mains faire le travail de reconnaissance. Il parcoure les courbes de son corps si parfait, s'attarde aux endroits les plus sensibles, essaie de la faire gémir un peu plus comme il a eu l'occasion de l'entendre. Il se délecte de ces sons si doux, qui augmentent un peu plus son désir, son envie, son excitation. Il sent ses mains descendre au niveau de son pantalon et il voit qu'elle lui demande la permission, avec son regard. Il n'a pas besoin de lui parler et lui adresse simplement un sourire, s'ils sont allés jusque là, ce n'est pas pour arrêter maintenant. Il vient l'embrasser à nouveau dans le cou tout en caressant sa poitrine et sa taille, la laissant enlever le dernier vêtement existant entre eux deux.

Il l'aide à descendre son jean le long de ses jambes, ainsi que son caleçon. Il n'a pas l'habitude d'être nu devant les femmes, il reste toujours hésitant, même s'il sait que son physique a tout pour plaire. Il se presse un peu plus contre elle, cherchant sa chaleur. Il est un peu hésitant, il n'ose pas et se rassure dans des baisers. Il a autant envie d'être en elle que possible, et il vient finalement se lier avec elle dans un soupir, mordillant son épaule dans la nouvelle sensation qui attaque son corps. Le plaisir monte et il s'accroche à elle, jusqu'à enfoncer ses ongles dans son dos, commençant à bouger, la respiration courte et saccadée. C'est encore meilleur qu'il n'avait pu l'imaginer auparavant. Il prend son temps, profitant du moment, en veillant toutefois à la satisfaire.

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Dans l’impatience du moment, elle n’a pas le temps de le détailler du regard autant qu’elle le voudrait. Suite à leurs nombreux flirts, elle s’est souvent imaginé son corps, et jamais elle n’aurait pu savoir qu’il serait si parfaitement dessiné. Une part d’elle voudrait ralentir la cadence, le repousser contre le divan et mieux le découvrir. Elle voudrait effleurer de ses doigts chacun des muscles, embrasser et goûter sa peau. Mais elle ne peut s’y résoudre, et repousse ces envies, comptant cependant les assouvir dès que l’occasion se présentera. Elle devine son hésitation, en est d’ailleurs attendrie. Mais celle-ci ne dure pas, et enfin, ils ne font plus qu’un. Chaque mouvement entamé par Andrija se complète par ceux d’Elvira, dont le corps ondule intensément sous la cadence imposée par son amant. Chaque sensation lui paraît décuplée, les ongles d’Andrija qui s’enfoncent dans sa peau, ses dents contre la chair de son épaule, ses lèvres qui adoucissent la morsure. Chaque mouvement de bassin ne fait qu’augmenter le plaisir qu’elle ressent déjà. Elle le dévore du regard, analysant son visage, ses traits. Un sourire traverse rapidement son visage, avant qu’elle ne ferme les yeux en gémissant. Peu à peu, elle impose son propre rythme, un brin plus lent. Le va-et-vient devient langoureux, et elle s’accroche désespérément à lui alors que le crescendo de plaisir menace de l’envoyer au septième ciel. Elle glisse une main le long de la joue d’Andrija et le force à la regarder. Un cri s’échappe de ses lèvres, elle sent qu’elle va bientôt atteindre le nirvana.

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Chaque gémissement passant ses lèvres déchire la quelconque retenue qu'il pense avoir dans ses mouvements. Plus les minutes passent, plus il cherche à l'entendre dans son oreille, de témoigner du plaisir qu'il est capable de lui procurer. Il ne se rend pas compte du temps. Depuis combien de temps n'a-t-il pas profité du présent de cette manière ? Les autres filles s’effacent complètement. Même son ex-femme, encore si présente dans son esprit, n'est plus qu'un lointain souvenir. Il s'abandonne aux sensations primaires de l'être humain, laisse de côté son cerveau hyperactif, ces pensées envahissantes. Ils ne sont que corps brûlants, leur sueur se mêlant, leurs respirations haletantes. Il n'en peut plus mais tente de faire durer le moment, le plus longtemps possible, mais il a l'impression que ça fait une éternité, là. Ou seulement une minute ? Tout se mélange. Il goûte à sa peau, trace de sa langue des dessins contre sa peau, se plaît à construire des souvenirs. Il s'accroche à son corps comme à une bouée, fait attention à ne pas faire un faux mouvement pour dégringoler du canapé. Cela refroidirait sensiblement l'ambiance. Ses mouvements s'accélèrent alors qu'il sent sa fin, et la sienne, proches. Il veut qu'ils atteignent l'orgasme ensemble, en unisson, car il n'y a rien de mieux que de sentir un corps trembler en même temps que le sien. Il l'embrasse avec ferveur, revenant contre ses lèvres, sentant la vibration de ses gémissements contre les siennes. Il a chaud, tellement chaud, se sent prêt à se consumer, entièrement. Au bout d'un moment, il le sent venir. Il donne un coup de rein final avant de sentir le plaisir ultime remonter de son bas ventre, enveloppant son corps dans une vague de frissonnements.

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Enfin, l’extase. Andrija la propulse au nirvana, un cri rauque franchit ses lèvres alors qu’elle resserre sa prise autour de lui. C’est tout naturellement que sa bouche trouve son cou, que ses dents s’appuient sur sa carotide. Et elle mord. Mais à l’instant même où le délicieux goût du sang touche sa langue, elle réalise qu’elle va trop loin, relâche aussitôt sa prise, priant pour qu’Andrija prenne cette morsure comme une simple manifestation de plaisir. Fébrile, elle relâche peu à peu ses muscles tendus et retrouve immédiatement une respiration calme, sereine. Elle n’a bu qu’une goutte de son sang, et déjà, elle se meurt d’y goûter de nouveau. Elle se sent plus proche de lui qu’elle ne l’a jamais été. À dire vrai, la dernière fois où elle s’est sentie si proche d’un homme remonte à plusieurs siècles, et elle ne peut s’empêcher d’être étrangement confuse par ce sentiment duquel elle avait fait le deuil. Elle se contente de le serrer contre elle, dépose un baiser sur la minuscule plaie dont elle est responsable. Un peu plus, et elle perdait complètement le contrôle. Elle rejette complètement cette éventualité, réalisant alors qu’elle tient trop à lui pour risquer ce manque de maîtrise de soi. Elle caresse sa joue du bout des doigts, lui adresse un sourire, cherche son regard. Elle ne sait comment exprimer ce qu’elle ressent, réellement chamboulée par ce qu’ils viennent de vivre.

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Il ne ressent absolument pas la légère douleur au niveau de son cou. Andrija n'est que plaisir et frissons. La jouissance est divine, ses muscles se contractent et se détendent, il tremble légèrement, en proie à des sensations qu'il avait depuis longtemps oublié. Non, définitivement, ce n'est pas pareil. Coucher avec une fille inconnue, sans aucune attache sentimentale .. N'égale même pas la moitié de ce qu'il vient de ressentir. Il se retira et enfouit son visage dans le cou d'Elvira, respirant son odeur, reprenant lentement sa respiration. Il ne dit rien, passe ses mains autour de la nuque de la jeune femme pour l'attirer un peu plus contre lui. Il ne regrette absolument pas. Andrija aurait pu ne pas revenir à son appartement, choisir de couper là leur rencontre comme tous les soirs. Et pourtant, il s'est laissé séduire et se sent vivant pour la première fois depuis longtemps. Il ne se rend plus compte du temps qui passe, le plaisir quittant progressivement son corps, en vagues. Il vient la regarder à son tour avant de l'embrasser délicatement sur les lèvres, preuve de sa reconnaissance, de l'affection qu'il éprouve pour elle. Goûter à ses lèvres .. Il l'avait imaginé depuis longtemps, mais n'avait jamais pensé que ce serait si bon. Il laisse sa main décrire la courbe de son corps, s'arrêtant à sa taille qu'il caresse doucement. Il a envie de rester ici, encore longtemps. Il n'a pas envie de retrouver sa maison, il n'a pas envie de se retrouver seul, dans cet espace froid et silencieux. Il a besoin de quelqu'un et elle lui apporte cette compagnie, cette chaleur qui lui manque terriblement. Au bout d'un moment, il arrête de l'embrasser et la regarde à nouveau. « Déçue ? »