Teodora termina son échauffement, rangea les écouteurs dans son sac. Elle avait toujours tendance à s'isoler pour se préparer, laissant les autres danseurs du corps de ballet s'affairer tandis qu'elle s'imposait l'échauffement le plus intense. Aucun détail ne devait être laisser au hasard, car Teodora ne tolérait aucun erreur. Une chute, une blessure, et c'était la fin. Elle ne pouvait pas se le permettre, ni aujourd'hui, ni jamais. Elle réajusta la queue-de-cheval qui dévoilait sa nuque avant de suivre le reste du corps de ballet – lançant au passage un regard plein d'envie à celle qui occupait le rôle de première danseuse. Un jour, elle serait à sa place – et même, première étoile, brillante, un grand nom reconnu dans la danse.
Teodora termina d'enfiler ses pointes et se plaça avec les autres sur les planches de l'Opéra. Répétition avec l'orchestre, sur la scène, devant les sièges vides de l'Opéra. En fermant les yeux, elle les imaginait très clairement remplis, un soir de spectacle, un sentiment qui l'angoissait et lui plaisait en même temps – le frisson du stress la motivait, courrait dans ses muscles et l'incitait à se surpasser chaque fois toujours plus. Quand elle rouvrit les paupières, son regard parcouru les membres de l'orchestre et elle reconnut un visage familier : Leonóra. La jeune femme lui adressa un léger sourire et un hochement de tête avant de se mettre en position. Elle inspira. Bientôt, la musique commençait et ses membres s'animaient à l'unisson des autres danseuses. Chaque mouvement de jambe et de bras étaient calculé, étudié, même dans la plus grande des douceurs, rien n'était laissé au hasard. Concentrée sur ses mouvements, elle entendait de loin la musique familière qui les accompagnaient. Lointaine, mais pourtant, Teo distinguait des accords irréguliers et en jetant un regard aux autres danseuses, elle remarqua qu'elle n'était pas la seule perturbée.
— On reprends ! Première position.
Arrêtée en plein milieu d'un mouvement, elle fronça les sourcils, agacée et lâcha un léger soupir inaudible, reprend sa position de départ. Ses yeux fixèrent un point précis, retrouvant sa concentration. Elle expira lentement. Mais quelques minutes plus tard, la concentration des danseuses étaient de nouveau brisée : plusieurs fois, on les fit retourner à leur position d'origine, ce qui commençait à agacer la majorité du corps de ballet. Teo incluse. Elle fit claquer sa langue contre son palais, cherchant des yeux le ou la responsable de cette catastrophe – car aux yeux de la jeune femme, cette répétition était une catastrophe sans nom.
— On s'arrête là pour l'instant. Prenez une pause.
Teo leva les yeux au ciel, retombant sur ses pieds. Son regard se posa de nouveau sur la violoniste, qui semblait troublée – par qui, par quoi, Teodora n'en avait aucune idée. Elle abandonna ses collègues, descendit de la scène pour s'approcher de la jeune femme, d'un pas silencieux. En s'approchant d'elle, Teodora remarqua qu'elle semblait encore plus à cran de plus près. Elle haussa les sourcils.
— Tu as l'air à cran, qu'est-ce que tu as? Tu agis bizarrement. fit Téo, sans passer par quatre chemins. Elle croisa les bras et toisa la brune plus âgée, essayant de comprendre ce changement d'attitude. D'aussi loin qu'elle se rappelât, Téodora n'avait jamais vu Leonóra agir ainsi. Tu joues particulièrement mal, aujourd'hui. D'habitude, tu joues beaucoup mieux que ça, pourtant. ajouta-t-elle en s'appuyant contre un des sièges rouges.
Leonóra Keresztély
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Sujet: Re: variations. [leonóra] Dim 7 Juin - 13:29
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Sujet: Re: variations. [leonóra] Jeu 11 Juin - 19:03
Elle était bien loin, la Leonóra avec qui Teodora s'était associé lors du récital de fin d'année pour briller plus haut que les autres. Sans être des meilleures amies, elles avaient été amies, et si le temps les avaient séparés pendant un moment, rien n'expliquait un changement si radical.
C'est toi qui est bizarre, rétorquait Leonóra, et cela eut pour effet d'ébranler un peu l'assurance qu'affichait Teo. Pendant quelques secondes, elle fronça les sourcils, avec une micro-expression de surprise, se remettant alors en question : après tout, peut-être que son quotidien de chasseuse avait fini par lui jouer des tours et elle voyait des comportements étranges partout à force d'être aux aguets en permanence...Peut-être était-ce un début de paranoïa... Mais bien vite, l'idée s'échappa loin de la Serban alors que ses yeux s'attardaient sur les mouvements de son aînée : non, définitivement, c'était Len qui agissait étrangement, ce n'était pas la raison de Teo qui s'enfuyait. Elle écouta d'une oreille distraite les justifications foireuses de la jeune femme – parce qu'elle n'y croyait absolument pas, Teo, à cette histoire de semaine difficile, elle sonnait trop légère et fausse pour être la seule explication. Leo s'éloigna, mettant de la distance entre elle et la danseuse. Teodora retint brusquement la violoniste par le bras, ne laissant pas le plaisir à Len de s'éloigner – tant pis si c'était oppressant et qu'elle passait un peu pour une harceleuse : quelque chose clochait. Et Teodora voulait savoir, surprise par le ton glaciale dans la voix de son ancienne amie.
— Je t'ai fais quelque chose ? Autant le dire clairement, plutôt que de me fuir. Sous le ton dur de la jeune femme, il y avait une légère inquiétude – est-ce qu'elle avait blessé Leo, par ses mots, au point de la faire fuir ? Dieu sait que Teo et le tact n'allaient pas ensemble, mais elle n'avait pas le souvenir d'avoir vexé la musicienne a ce point. Ou bien il s'est passé un truc avec Anton ?
Les possibilités, Teodora les revoyaient mentalement, pour trouver l'explication la plus probable à ce rejet total. La Serban lâcha le bras de la brune, le laissant mollement retomber contre sa hanche. Elle ferma les yeux quelques secondes, avant de reprendre.
— Visiblement, tu n'as pas envie que je sois là, c'est clair. Je pars dès que tu m'as expliqué – pas avant.
Elle jeta un coup d’œil aux autres danseuses et autres membres de l'ochestre qui profitaient de cette pause : la répétition n'était sûrement pas prête de reprendre de sitôt, et cela laissait largement le temps à la chasseuse de passer son interrogatoire à Len. Teodora rejeta ses cheveux par dessus son épaule et releva un peu le menton.
— Alors ? elle arqua un sourcil, attendant une réponse.