Musique | La musique raisonnait dans le salon, les mains d'une petite fille jouaient sur ce piano, totalement seule. Derrière ses longs cheveux blonds et sa frimousse de sourie, elle attend patiemment. Mais rien ne bougeait, le silence répondait à ses doigts agiles. L'enfant était imperturbable et le souffle chaud contre sa nuque ne lui fit aucun effet. Une grimace naquit sur ses lèvres alors qu'un cri venait rompre sa musique et elle arrêta de jouer alors qu'une petite fille à la chevelure aussi noire que les ailes d'un corbeau venait s'accrocher à sa cuise.
Combien de fois je t'ai dis d’arrêter de te faire peur comme ça Mashka ? Va voir maman si tu as si peur. Je travaille mes gammes et tu ferais bien d'en faire autant. Je suis une guerrière moi. Je suis comme Xena. Je cours, je plante mon épée dans le ventre des méchants. Mais là les méchants ont voulu m'attraper et j'ai pas encore apprit tous les pouvoirs pour les affronter.Tient. Il les affrontera à ta place. La petite fille leva de grands yeux jusqu'à sa sœur alors qu'elle lui tendait la peluche d'un cheval aux prunelles faites de billes d'un bleu étincelant. Mashka s'illumina d'un sourire et déguerpit dans l'autre sens, grimpant à toute vitesse l'escalier de marbre blanc et le redescendant encore plus vite. Elle se planta devant sa sœur, les mains derrière le dos, venant encore embêter son ainée. Cette dernière poussa un profond soupir, s'armant de patience avant de se tourner à nouveau vers la petite fille de trois ans.
Quoi encore ?Rien je te regarde. T'es jolie Katie. Je peux coiffer tes cheveux ? On peut aller jouer dans le parc ?La blonde soupira à nouveau, avant de fermer le piano et de céder à l'enfant. La joie de vivre de Mashka faisait plaisir à voir. Même si son rôle de grande sœur l’exaspérait au possible. Dans le jardin, les fillettes jouaient à chat, courant au milieu des arbustes parfaitement coupés et de l'herbe tendre. Leurs rires montaient jusqu'à le fenêtre de leurs parents, recouvertes d'un lourd rideau qui cachait la lumière du jour. Le père était là, le visage si blanc qu'il en paraissait déjà mort et un mince filet de sang s'écoulant encore de ses lèvres. Ania Csáky aimait un homme mort depuis une année déjà et revenu à la vie pour des raisons qui lui échappait.
Tu sais Ania. Je ferais mieux de mourir. Je vis en suspens. Je ne peux même pas porter mes filles dans mes bras sans saliver sur leur sang. Je suis devenu un monstre mon amour. Je devrais m'offrir aux caresses du soleil. Je t'aime Ania. Mais je ne peux plus vivre cette vie que nous offre le destin. Il n'aurait pas du me ramener à la vie. Je suis désolé.Une larme de sang vient rouler sur la joue blanche de celui qui était devenu un vampire. Il entendit une dernière fois les rires de ses filles avant d'ouvrir les rideaux et de les regarder jouer.
N'oublie pas de leur dire que je les aimais. Qu'elles en soient certaine. Il jeta un dernier regard à son épouse avant de se laisser disparaitre. Ania hurla, portant la main à ses lèvres alors qu'elle tombait à genoux, les larmes roulant sur son visage sans que rien ne puissent les arrêter.
Musique | TU MENS ! C'EST UN MENSONGE ! PAPA L’EST PAS MORT ! IL EST LA, JE LE SAIS ! T’ES QU’UNE MENTEUSE ! JE TE DÉTESTE !La petite fille partie en courant alors que sa grande soeur pleurait dans les bras de sa mère. Mashka courrait, jusqu'au bout de cette propriété, jusqu'à la forêt que formait les trop nombreux pins plantés là voilà des millénaires. Assise contre le tronc, elle éclata en sanglot, incapable de croire aux paroles de sa mère. Son père, aussi fort qu'un roc ne pouvait être mort. Il ne pouvait avoir rejoint ses ancêtres, laissant les trois femmes de sa vie totalement seules. C’était pourtant le cas. Le vampire avait embrassé le soleil mais ça, les enfants ne le sauraient jamais. Il était mort comme il avait vécu, avec fougue.
Ania tenait ses filles par la main alors que sa voilette ne parvenait à empêcher la vision de ses larmes. La plus grande pleurait, détournait les yeux mais Maskha ne pouvait regarder ailleurs que cette tombe qu'on glissait en terre et qui contenait son père. Elle fut la première à jeter la ceremoniale poignée de terre, les lèvres closes, n'écoutant pas les paroles stupides du prête et les mots qui se succédaient alors que tout le monde laissait une dernière parole. Oui son père était un grand homme. Oui son père était droit, franc, fort. Oui son père avait cet humour qui faisait sourire même dans les pires moments. Oui son père n'aurait voulu qu'elle pleure. Alors elle ne le faisait pas, gardant ses prunelles de givre aussi sèches qu'il aurait voulu qu'elle le soit. Lorsqu'on lui demanda si elle voulait dire un mot à son tour, elle refusa catégoriquement, serrant contre elle sa peluche de cheval.
Ils se massaient tous dans le grand salon, réconfortant sa mère et sa sœur. Maskha était assise sur le rebord de l'une des fenêtres, les yeux dans le vent, regardant le ciel se parer d'étoiles. Elle serait contre elle ce doudou que sa soeur lui avait offert voilà si peu de temps. Quand papa était toujours en vie. Loin de l'enterrement, elle ne s'autorisait toujours pas à laisser rouler sur ses joues des larmes. Elle se recroquevilla un peu plus sur elle-même, croyant voir dans les étoiles le visage de son père. Elle sortit, sans que personne ne se rende compte de cette petite fille de trois ans pieds nus, son doudou à la main, qui marchait jusqu'à se trouver au milieu de cette immensité d'étoiles. C'était magnifique. Des galaxies se dressaient là, devant elle, semblant si proches qu'elle n'avait qu'à lever les doigts pour les attraper. La bouche entrouverte, la petite fille emplissait ses prunelles des beautés de la nuit quand elle entendit un bruit étrange derrière elle. Se retournant, elle vit son père. Ou plutôt une image de son père, comme s'il n'était pas vraiment là. Sans avoir peur, elle s'approcha avant de courir dans ses bras alors qu'elle reconnaissait son visage. Mais ce n'était que de l'ombre et elle vit disparaitre l'image alors même qu'elle voyait pour la dernière fois le doux sourire de cet homme qu'elle aimait. Maska se mit à chercher dans les jardins, et lorsqu'elle parvient devant une fontaine, elle le vit à nouveau. Calme, à petit pas, la petite fille s'approcha et s'assit à côté du fantôme.
Tu n'es pas là pas vrai ? Un sourire navré s'afficha sur les lèvres de son père alors qu'il caressait d'une main immatérielle la joue de l'enfant.
Non. Tu crois que je suis là et c'est tout ce qui m'importe. Tu dois continuer ton chemin Maska. Tu resteras toujours ma petite princesse, celle qui me ressemble vraiment. Tu as mon caractère. Toi non plus tu n'es pas faites pour toutes ses soirées mondaines et cette hypocrisie. La petite fille eut un sourire triste avant de regarder son père de ses yeux si semblables.
Tu ne vas pas revenir hein ? Elle mordait dans sa joue puis dans l’intérieur de sa lèvre mais elle ne parvenait à cacher les larmes qui montaient enfin dans son regard.
Je ne dois pas pleurer hein ? Le fantôme la regarda avec amour avant de lui répondre
Tu dois prendre soin de ta mère et de ta sœur ma puce. Tu es plus forte qu'elles ne le seront jamais...La vision de l'enfant se brouillait alors qu'elle écoutait son père lui parler et elle se réveilla en sursaut, enchevêtrée dans les draps de son lit. Sa respiration hésitante se transforma en pleures et elle sanglota doucement dans son oreiller, refusant de réveiller sa sœur et sa mère. Rêve ou non, elle n'en avait aucune idée. Elle allait retourner vers cette fontaine toutes les nuits pour espérer le revoir à nouveau. Mais le fantôme ne repointa jamais le bout de son nez. Et en grandissant, elle fut amenée à croire qu'il n'avait jamais existé.
Musique | La jeune fille regardait sa mère, un bouquet dans les mains. Ses prunelles de givre glissaient sur la robe blanche de sa génitrice alors qu'elle serait plus fortement ses mains. L’homme aux côtés d’Ania était une pâle copie de ce qu’avait été son père. Elle le haïssait déjà avec ses regards étranges à son intention, cet espère de sourire dans lequel elle n’arrivait à lire et qui la tétanisait. Sa sœur se plaça à ses côtés, prenant sa main dans la sienne. Les deux jeunes filles inspiraient, calmement alors que dans leurs regards bruissaient la même expression. Elles avaient peur. La benjamine plissait ses paupières et son regard devient noir lorsque celui qu’elles devraient appeler beau-père leur adressa un sourire qui lui retourna l’estomac. Il lui donnait envie de vomir et elle savait très bien que sa sœur pensait la même chose.
Maskha avait dix ans, Katarina treize. Elles étaient inséparables, la mort de leur père les avait rapprochées. Tout comme cette farce de mariage qui se déroulait devant leurs yeux impuissants. Pour l’honneur de son nom, Ania avait dû offrir son argent et sa vie à un homme choisit par sa famille. Les deux enfants auraient voulu rester pour l’éternité seules avec leur mère mais le destin en avait décidé autrement. Pas vraiment le destin. Maskha tourna un regard noir jusqu’à ses grands-parents, la veille avec ses gants blancs qui embrassaient du bout des lèvres et lui, qui ne disait mot, les lèvres pincées. Elle remonta ses prunelles jusqu’à sa mère qui souriait tant bien que mal et embrassa celui qui devenait son époux par les liens sacrés du mariage, pour le meilleur et pour le pire. Surtout le pire pensa la jeune fille mais elle n’en dit rien.
La brune et la blonde dormirent ensemble cette nuit-là, se racontant des histoires pour ne pas entendre leur mère. Les cris de cette dernière ne pouvaient pas être prit pour du plaisir mais les fillettes essayaient de ne pas entendre ça. Maskha prit sa grande sœur contre elle, la rassurant à mi-voix, faisant en sorte que les pleures ne viennent tacher le trop beau visage de Katarina.
C’est rien Kat’. Rien du tout. Ca va passer. Ca va aller.Mais les paroles de la petite brune n’étaient pas prophétiques, bien au contraire. Les jours passèrent et les regards de leur beau-père se faisaient insistants. Il leur faisait peur. Terriblement peur. La manière dont il regardait Katarina était angoissante et lorsque leur mère du partir régler les dernières affaires de feu leur père tant aimé, les filles s’accrochèrent à ses jupes, refusant de rester seules avec le brun. Elles en furent bien obligées. Ania ne leur laissa pas le choix, ne pouvant se douter de l’horreur qu’abritait son mari. Ne pouvant même imaginer que les formes naissantes de son ainée étaient des portes ouvertes aux pires sévices.
Il les fit manger, sans un mot, lisant son journal. Les filles allèrent se coucher en silence, ne réclamant pas la télévision, ne pipant pas un mot. Elles voulaient dormir toutes les deux mais il les empêcha, clamant qu’elles étaient trop grandes pour des tels caprices. Un mauvais sentiment grandissait dans la poitrine de la benjamine et le regard que lui envoya sa sœur voulait tout dire. Elles étaient aussi effrayées l’une que l’autre. Mais elles se couchèrent, se tenant une dernière fois la main alors qu’elles se parlaient des yeux, sans que leur beau-père ne puisse comprendre ce langage muet qu’elles seules étaient en mesure d’interpréter.
Mashka se glissa sous les couvertures, tenant fermement contre elle son cheval aux yeux bleus. Elle inspirait, expirait, essayant de faire se dénouer le nœud qui s’était installé dans son ventre et le comprimait à l’en faire vomir. De l’autre côté du couloir, sa grande sœur faisait la même chose, elle en était certaine. Comme une enfant ayant peur du monstre tapi sous son lit, la brunette ne bougeait pas d’un pouce, les sens aux aguets, sa couette remontée au-dessus de sa tête. Et le grincement de la porte la fit se redresser brusquement et courir ouvrir la sienne. Les cris de sa sœur la firent s’énerver sur la poignée fermée à clef. Mashka frappa, violement, contre le panneau de bois qui refusait de s’ouvrir alors qu’elle entendait la voix de leur beau-père rassurer sa sœur que tout irait bien, qu’il fallait juste qu’elle soit sage et qu’elle ne sentirait rien. La brune frappait avec l’énergie du désespoir contre la porte mais seuls les hurlements de sa sœur et les grognements de son beau-père lui répondaient. Attrapant une des décorations de la chambre, elle l’envoya voler dans la fenêtre qui éclata en une pluie de verre, dont un se planta dans sa plante de pied. Mais Maskha ne sentait pas la douleur et sauta sur l’herbe tendre du jardin qui la réceptionna alors qu’elle hurlait de douleur. Son poignet formait un angle bizarre avec le reste de son bras mais elle ne s’attarda pas sur ça. Elle devait protéger sa sœur. Pas s’enfuir. Juste protéger son ainée. La baie vitrée était encore ouverte sur la chaleur de l’été et la brune ne se le fit pas dire deux fois. Elle bondit dans la maison, grimpa l’escalier quatre à quatre et sauta sur son beau-père, le rouant de coups. Elle toucha le visage puis la gorge mais l’homme la délogea d’une gifle qui l’envoya voir milles chandelles.
TU VEUX TON TOUR AUSSI PETITE GARCE ! JE VAIS M’OCCUPER DE TOI TU VAS VOIR !Un cri s’éleva et Maskha mit longtemps à comprendre que c’était le sien. Elle regarda le visage dévasté de sa sœur et lorsque son beau-père s’approcha d’elle, elle poussa un petit couinement d’animal blessé. Les sourcils de l’homme étaient tellement froncés qu’il formait comme une barre aux dessus de ses yeux qui la transperçait de part en part. Il la releva, voyant son poignet et s’abaissant à son niveau après avoir remonté son pantalon, il la fixa, semblant lire en elle comme dans un livre ouvert.
Tu vas retourner bien sagement dans ta chambre et dire que tu es tombée en jouant dans le parc. Si l’une d’entre vous dit la moindre chose de ce qu’il s’est passé ce soir, elle peut être certaine que je me vengerai sur l’autre. C’est bien compris !Les deux fillettes éclatèrent en larmes après avoir juré que rien ne serait dévoilé. Rien ne sortirait de cette chambre et de Katarina qui serait ses cuisses avec douleur, voyant le sang couler de ses dernières, tachant la robe de nuit immaculée qu’elle portait. Leur beau-père leur jeta un dernier regard avant de les abandonner là. Maskha monta dans le lit de son ainée, pleurant, balbutiant qu’elle était désolée. Mais déjà le regard de la blonde se faisait vide, perdant toute vie comme si elle avait vu les plus terribles des monstres de leur enfance.
Musique | Comment tu t’appelles gamine ? Liliána. Je vous en prie. Aidez-moi. Je ne veux pas rester avec eux…L’homme qui lui faisait face planta ses splendides prunelles dans celle de l’enfant de douze ans. Elle était jolie, déjà grande pour son âge, aussi fine que toutes les filles qui passaient dans ses filets. Il passa une main dans sa barbe de trois jours, réfléchissant. La petite semblait perdue, le fixant droit dans les yeux, la peur se lisant dans les siens. Elle avait vu des choses horribles, des flammes qui se reflétaient sans fin et qu’elle garderait enfouie au plus profond d’elle.
Tu sais danser gamine ? demanda-t-il sans la lâcher du regard.
Je… Je sais faire de la danse classique. Murmura-t-elle en mordant dans sa lèvre inférieure. Elle essayait de le convaincre. Sans savoir ce qui l’attendait vraiment.
S’il vous plait. Je suis toute seule, je n’ai nul par où aller. Je… Je veux pas retourner dans la rue. Les gens me font peur. On m’a dit que vous aidiez les enfants comme moi. T’a fugué pas vrai ? Donne-moi ton vrai nom gamine. L’enfant avala sa salive, baisant les yeux avant de finalement répondre du bout des lèvres
Maskha Cásky. L’homme qui lui faisait face écarquilla ses prunelles, surprit de trouver devant lui cette enfant qui avait disparu et faisait la une des journaux depuis un an. La prime pour qui donnerait des informations avait de quoi faire rêver mais Tyler savait que ce n’était pas une bonne idée de l’offrir aussi facilement. Si elle était partie, elle avait ses raisons. Des raisons bien sombres vu les réactions de son corps dès que quelqu’un s’approchait d’elle trop rapidement ou dès qu’un geste brusque venait la surprendre.
Ne dit jamais ton nom de famille gamine. C’est clair ? Ici tu es juste Liliána. Rien d’autre. Tu m’as bien comprit ? La fillette hocha la tête, son visage commençant doucement à s’éclairer. S’il la laissait rester avec lui, s’il la protégeait…
Tu restes avec nous. Mais tu vas pas rester à te tourner les pouces. Si tu meurs dans les missions que je vais te donner, c’est que tu n’auras pas été assez prudente. C’est bien comprit ? Maskha –pardon, Liliána- lui répondit positivement du regard et Tyler lui tendit un sachet de poudre blanche. Alors qu’elle aillait demander ce que s’était, les yeux bleus de l’adulte la firent taire et il lui glissa une adresse dans l’autre main. Cachant tant bien que mal la cocaïne, la brune déguerpit sans demander son reste. Comment aurait-elle pu se douter que cinq ans plus tard, elle serait perdu avec cette drogue qu’elle portait aujourd’hui contre sa poitrine encore si plate.
Le néon rouge du Grand Lion brillait sur l’asphalte de la route. Un homme en noir devant et personne. Pas la moindre trace de voiture ou de client. Liliána se présenta devant lui, ne sachant ce qu’elle devait lui dire mais il la laissa passer sans un mot et elle pénétra dans ce cabaret dont elle ne pouvait imaginer tous les secrets honteux. Alors qu’elle marchait, son regard se posait sur les femmes qui dansaient autour d’une barre, éblouissantes dans leurs habits de lumière. La brune ne parvenait à les lâcher des yeux, s’arrêtant pour admirer leur grâce et leur féminité ouvertement dévoilée. La musique était forte, langoureuse, à l’image de ses déesses qui encourageaient les hommes d’un regard de biche, d’une parole câline et d’un rire cristallin. Elles étaient charmes et voluptés. Et la petite fille se sentait minuscule dans cet univers. Elle donna le sachet de drogue à celui qu’elle devait chercher mais qui vient la trouver et ne put s’empêcher de rester regarder les filles. L’une d’elle venait de finir sa danse et elle s’approcha de Liliána, un doux sourire aux lèvres.
Ne reste pas plantée là ma petite. C’est dangereux pour une fillette de ton âge, les pervers ne manquent pas ici. Retourne chez toi, je suis sûr que tes parents t’attendent. La brune leva ses yeux jusqu’à visage de la magnifique créature qui la couvait de ses immenses yeux bleus.
Je n’en ai plus… C’est Tyler ma famille maintenant. Glissa l’enfant, retenant un sanglot alors que sa voix se brisait. Katarina et sa mère lui manquait. Mais elle avait fui. Jamais plus les lèvres d’Ania ne viendraient embrasser son front avant qu’elle s’endorme.
Fait attention à toi ma puce. Tyler n’est pas une si bonne compagnie. Fait surtout attention à ton petit cœur, il aura vite fait de te le ravir pour mieux le briser. Rentre maintenant. Mais fait attention à lui. Non pas qu’il soit « méchant ». Mais son charme a détruit bien des enfants qu’il avait à ses côtés. Liliána voulu poser une question mais un doigt se posa devant ses lèvres alors que la danseuse lui demandait de partir une nouvelle fois. Ce que l’enfant fit sans poser de question. Qui était réellement Tyler ? Elle le découvrirait à temps.
Musique | Perdue dans le reste du monde, Liliána était devenue une jeune fille. La bourgeoisie et leur férocité ne lui manquait pas, ne restait que Katarina qui avait surement perdue bien des plumes. Mais sa blonde de sœur était bien trop élevée pour faire comme elle. Lili s’oubliait dans ses journées, l’adrénaline devenait sa seule drogue. Elle vivait pour la sentir grandir en elle alors qu’elle entendait les gyrophares de la police et voyait leurs feux bleus et rouges envahir l’immensité de la nuit hongroise. Elle était ici chez elle et finalement, jamais elle n’avait rejoint les femmes qui dansaient, se contentant de se lier d’amitié avec celle qui lui avait offerte ses premières paroles et mise en garde contre le danger que représentait Tyler. Aujourd’hui, Liliána comprenait pourquoi.
Tyler avait ce charme qui les faisait toute fondre, ce charisme animal aussi dangereux que les crocs d’un félin. Pourtant voilà que déjà l’adolescente tombait sous le charme de cet homme qui semblait ne jamais vieillir. Elle ne savait d’où il venait, comment il en était arrivé là mais elle ne pouvait que rêver de ce torse qu’elle avait surpris à de trop nombreuses reprises, de ce tatouage dont elle rêvait de dessiner les contours. Malgré les mises en garde, voilà qu’elle tombait déjà amoureuse sans l’avoir vu venir. Elle rêvait à un temps où il lui offrirait de devenir une adulte. Liliána avait ses désirs mais aucuns hommes et aucunes femmes ne les réveillaient. Son cœur tout entier était offert aux splendides prunelles bleues et aux sourires qu’elle voyait charmeur même lorsqu’ils n’en étaient pas. Elle disparaissait parfois des jours entiers, se faisant fantôme parmi les ombres, flânant en imaginant une vie dont elle ne voulait pas, se flagellant mentalement en pensant à sa sœur et sa mère.
Mais Liliána continuait cette chaine d’autodestruction qu’elle avait si bien commencée. Elle prenait de plus en plus de risques pendant ses missions, disparaissant au nez et à la barbe des policiers qu’elle rendait fou. Son visage affiché dans leur bureau, elle ne se privait pourtant pas pour continuer à vivre comme si de rien n’était. Avec le temps, elle commença à se déguiser pour sortir, tantôt blonde, tantôt rousse, parfois rose, parfois aussi rouge que le sang. Son caractère tempétueux lui offrit bien des coups mais la jeune fille ne taisait jamais ses mots qui savaient frapper là où ça faisait mal. Si Liliána n’était pas méchante, elle voulait être seule et refusait qu’on essaye de se lier à elle. Il n’y avait que Tyler. Tyler qui obnubilait ses pensées et refusait de la voir comme l’adulte qu’elle devenait petit à petit. Ses avances ne menaient à rien, ses décolletés qu’elle commençait à porter malgré la finesse de sa poitrine. Il l’ignorait. Et elle le détestait pour ça.
Musique | Liliána commença à vraiment se détruire l’année de ses seize ans. Elle venait chercher Sonia et la belle en tenue de scène était introuvable. Elle la chercha pendant de longues minutes dans le Grand Lion, les lumières rouges transformant chacune de ses visions. Elle frissonna, pas vraiment à l’aise dans ce cabaret qui puait le sexe et l’alcool. Serrant sa main contre son bras droit, elle murmura le prénom de la blonde mais personne ne lui répondit. L’adolescente inspirait, comme lorsqu’elle était enfant et qu’elle essayait de ne pas entendre son beau-père se rendre dans la chambre de sa sœur. Un gémissement la fit sursauter alors que ses cheveux bruns venaient fouetter son visage. C’était la voix de Sonia, une voix qu’elle reconnaitrait entre mille. Où était-elle ? Liliána appela une nouvelle fois son prénom mais le silence c’était à nouveau fait. S’enfonçant de plus en plus profondément dans les entrailles du cabaret, la jeune fille sentait l’air se faire moite autour d’elle.
Sonia ! cria-t-elle cette fois. Mais seul l’écho de sa voix lui répondit. Elle continua pourtant sa route, calmant la peur dans son ventre qui se tordait, enduit du même pressentiment que lorsqu’elle n’était qu’une enfant qui avait peur du noir.
Et enfin elle la trouva, entre les bras d’un homme, la jupe relevée sur ses cuisses interminables, le regard vague et la tête chancelante. Ses pupilles tellement dilatées qu’elles en devenaient uniquement noir. L’homme se retourna avec un sourire vers la jeune fille mais cette dernière fit un pas en arrière avant de rassembler tout son courage et de bondir sur son vis-à-vis. La furie qu’elle était fut interrompue par une main puissante qui attrapa son poignet. Il avait un sourire carnassier. Un requin.
Tututut. Jeune fille, tu te calmes. Sonia… Dit moi, ta jeune amie ne serait pas une magnifique proie pour nos amis communs ? Ils donneraient cher pour un instant entre ses cuisses. La main moite de l’homme vient attraper le visage de Liliána qu’il sera à lui faire mal, plantant ses yeux noirs dans ceux de la jeune fille.
Je parie même que la princesse est encore vierge. Il tourna les yeux vers Sonia avec un immense sourire et ajouta
Tu sais combien ça rapporte la virginité d’une gamine ? Tu sais combien ils seront prêts à payer ? Et surtout, tu sais combien de sachets de poudre tu peux t’acheter ? Regarde comme c’est doux ma belle. Une petite aiguille et tous tes soucis seront envolés. Liliána se débattait, avec la rage d’une tigresse mais il la tenait trop fermement.
Tu as juste à dire oui Sonia et je t’offre ta dose. Mais si tu dis oui pour la gamine je t’en paye pour les années à venir. Alors ma belle ? Verdict. La brune planta son regard dans celui de la blonde, la suppliait des yeux, les battements de son cœur tambourinant à ses oreilles.
Non… murmura Sonia. L’homme lâcha la gamine, une moue méprisante sur les lèvres.
Qu’est-ce que tu ne ferais pas pour ses gosses. Puis se retournant, trop rapidement pour que Liliána ne puisse faire un geste, il récupéra son bras, le tendit droit devant elle, et planta dans la veine avant de disparaitre pour de bon.
NON ! fut le dernier mot qu’entendit la brune avant de se sentir partir.
Elle était dans un océan de coton. Autour d’elle, rien n’avait de véritable consistance. Elle se sentait bien, comme en paix avec elle-même, son sentiment de culpabilité omniprésent disparaissant enfin comme tous les maux qu’elle se reprochait. Elle était étonnement bien. Ses paupières étaient lourdes mais elle ne les sentait même pas. De même que les mains qui la portaient, qui la couchait sur son lit et qui caressaient son visage en lui jurant que tout irait bien. Un doux sourire flottait sur ses lèvres alors qu’elle ne se rendait contre de rien. Elle aurait voulu rester pendant une éternité ici, dans cet état. Ne jamais redescendre sur terre et continuer de voler. Son esprit planait loin des hommes et des femmes, retournant jusqu’à son père qu’elle voyait comme le fantôme de son enfance. Elle se blotti dans ses bras alors qu’il embrassait sa joue en lui jurant que tout irait bien et qu’ils se reverraient bientôt. La brune lui demanda s’il lui en voulait de ne pas avoir su tenir sa promesse, de ne pas avoir su protéger Ania et Katarina. Le fantôme ne répondit pas, se contentant de la serrer un peu plus fort.
Elle se réveilla dans son lit, sans comprendre comment elle était arrivée là. Dans un accès de colère, elle enleva le bandage qui enserrait son bras et une larme roula sur sa joue. La trace de piqure était bien là et rien ne saurait la cacher. Liliána en voulait encore. Elle voulait retrouver cette caresse sur sa peau, ce bien-être qu’elle n’avait jamais connu, cette douceur qui glissait dans ses veines. Sonia rentra dans la chambre, inquiète, le visage baissé.
C’est ma faute Lili… Uniquement ma faute. Mais je t’assure qu’il ne t’a pas touché. La brune ne leva même pas son visage jusqu’à la droguée. C’était trop tard.
Où est Tyler ? demanda-t-elle. Le visage en face d’elle se ferma alors que Sonia s’assaillait à ses côtés.
Il a peté un câble quand je t’ai ramené Lili. J’ai cru qu’il allait tout casser et il est partie le chercher. Il va le tuer Lili. Il va le tuer. Et il va me tuer parce que c’est uniquement ma faute. Sans un instant de pitié pour Sonia, l’adolescente se redressa et lui ordonna de lui donner son téléphone. Elle composa le numéro de Tyler de mémoire et il ne décrocha qu’à la troisième sonnerie.
La brune parla longtemps, le rassurant, lui promettant que tout allait bien. Comme toujours, Liliána était cette adulte que son âge ne laissait présager. Tyler rentra le soir même et, sans que personne ne comprennent pourquoi, il offrit ses lèvres à sa disciple. Ils couchèrent ensemble cette nuit-là, l’adolescente devenant femme en perdant les dernières traces de son enfance. Pour que le lendemain, tout redevienne comme avant. Comme si rien ne s’était passé. Alors que le cœur de la jeune femme était encore plus gorgé d’amour qu’il ne l’avait jamais été.
Depuis, elle a tout gardé. S’occupant des missions à risque, l’adrénaline n’est plus sa seule drogue. Liliána ne s’offre à personne, aimant toujours avec ferveur celui qui est à la fois son père, son chef, son idole et son mentor. Elle a grandi. Beaucoup grandi. Mais son regard reste toujours aussi froid, ses prunelles de givre n’affichant que rarement l’ombre d’un sourire. La compagnie la révulse, le contact sur sa peau l’a fait sursauter. Et derrière ce masque glacial, elle souffre encore de cette peur qui ne la quittera jamais, comme inscrite en elle pour l’éternité.